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2010 à 2020 : les africaines ont un mécanisme pour réduire les violences à l’égard des femmes et faire appliquer le principe d’égalité entre les hommes et les femmes
mercredi 5 septembre 2012
Cet article a été rédigé par Hermine Patricia NDJANDJO, juriste, éducatrice et défenseure des droits humains. Hermine Patricia Ndjandjo est activiste pour la promotion des genres et la parité hommes femmes, Vice-présidente et fondatrice de l’APGDHD-COURAGE2D et, également, membre de l’ONG ACAFEJ depuis 2004.
Pendant dix ans, depuis le 10 octobre 2010, dans le contexte de récession économique d’envergure mondiale, en Afrique, on s’active pour une attention forte aux questions concernant les besoins spécifiques des femmes.
Pour éliminer les pesanteurs politiques qui contribuent à la persistance des discriminations à l’égard des femmes et focaliser l’attention des politiques sur l’intégration du genre dans les lignes budgétaires des Etats-membres, la Direction « femmes, genre et développement » de l’Union africaine prend l’initiative d’un programme titré « Décennie de la femme africaine 2010-2020 ».
Les dix prochaines années sont ainsi consacrées en Afrique à la mise en œuvre de mesures visant, à terme, l’égalité des sexes et l’autonomisation d’un nombre significatif de femmes africaines.
Quels sont les enjeux de la DFAF dans le combat pour les droits des femmes et particulièrement contre les violences que beaucoup de femmes ont à affronter dans leur quotidien ? Quel rôle doivent jouer les promoteurs et les défenseurs des droits humains dans la mise en œuvre ou le suivi de la DFAF ?
I- DOMAINES CLES DE LA DECENNIE DE LA FEMME AFRICAINE
La DFAF est un précis décennal pour faciliter la mise en œuvre des droits fondamentaux des femmes et elle contient dix domaines-clés rattachés à toutes les catégories de droits fondamentaux ainsi que des résultats escomptés à l’horizon 2020. Il s’agit de :
1. Réduire la pauvreté et promouvoir l’autonomisation économique des femmes et leurs activités entrepreneuriales
- Obtenir un travail décent pour les femmes et l’égalité des chances en termes d’embauche, de promotions et d’évolution vers la parité sur leur lieu de travail.
- Créer des emplois et des services en soutenant les femmes entrepreneures, spécialement dans les secteurs informels, les petites et moyennes entreprises (PME), les moyennes entreprises (ME) et en leur permettant ensuite d’évoluer vers de grandes entreprises.
2. Agriculture et sécurité alimentaire
- Parvenir à la sécurité alimentaire et réduire la faim.
- Améliorer l’accès des femmes aux terres agricoles, aux intrants agricoles, au crédit, à la technologie, aux services de vulgarisation, à l’irrigation, à l’eau.
- Créer de nouveaux marchés pour les produits des femmes, notamment dans la chaîne de production agricole.
3. Santé, mortalité maternelle et VIH/SIDA - Améliorer la santé des femmes et Réduire la mortalité maternelle.
- Réduire les inégalités en matière d’accès aux traitements antirétroviraux et aux services médicaux formels. Réduire le fardeau injustifié qui retombe sur les femmes et les filles lorsque les infections du VIH/SIDA se propagent.
4. Éducation, science et technologie
- Parvenir à la parité en matière d’éducation secondaire et supérieure et réduire le nombre d’abandons scolaires chez les filles.
- Augmenter le niveau d’alphabétisation chez les femmes grâce aux formations pour adultes.
- Augmenter la contribution des femmes dans la recherche, information, communication et technologie.
5. Environnement et changement climatique - S’assurer que les femmes, gardiennes de l’environnement, bénéficient des décisions mondiales adoptées pour lutter contre le changement climatique.
6. Paix et sécurité et violences à l’encontre des femmes
- Eliminer les violences exercées à l’encontre des femmes (VAW), et consolider la paix et la reconstruction en zone post-conflit.
- Interagir avec le Département de la paix et de la sécurité (DPS), le Conseil de la paix et de la sécurité (CPS) et le Groupe des Sages sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1325, 1820, 1888 et 1889.
7. Gouvernance et protection juridique
• Soutenir la participation des femmes aux processus politiques et électoraux dans les pays qui organiseront des élections durant cette décennie, ainsi que la mise en œuvre de plans d’action nationaux et de Mécanismes d’examen par les pairs en Afrique (MAEP) sur les questions relatives au genre.
8. Finance et genre
- Renforcer l’accès des femmes aux ressources financières provenant de budget gouvernementaux par le biais de la budgétisation sensible au genre, en adoptant des mesures de relance économique ciblant les marchés financiers et en créant des fonds spécialisés provenant de partenaires du développement pour soutenir les projets des femmes afin d’autonomiser les femmes économiquement ; mobiliser des ressources à travers le FAWO tout en trouvant des ressources pour la mise en œuvre des activités organisées dans le cadre de la décennie en général et plus particulièrement dans des domaines prioritaires permettant d’atteindre les objectifs fixés.
9. Les femmes aux postes décisionnels
- Appliquer le principe de parité aligné sur la politique de l’Union Africaine en matière de parité hommes/femmes et garantir que les objectifs d’égalité des chances pour les femmes aux postes décisionnels dans le système judiciaire et exécutif soient atteints.
10. Mouvement des jeunes femmes
- Insuffler de l’énergie au Mouvement des femmes africaines et accompagner les jeunes dirigeantes et professionnelles, tant en Afrique que dans la diaspora, afin qu’elles défendent l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes.
On observe que les droits civils, économiques, et politiques fondamentaux sont pris en compte dans la formulation des attentes de la DFAF 2010/2020, mais on doit se demander si des moyens coercitifs y sont rattachés.
II- La DFAF, un accélérateur pour la prise en compte pratique des besoins spécifiques des femmes africaines
Les initiateurs de la DFAF la décrivent comme un mécanisme « pour accélérer la mise en œuvre et la réalisation des objectifs énoncés dans les différents protocoles, déclarations et conventions que l’Union Africaine a adoptés ». Nous allons en décrypter les atouts.
1. Chaque Etat devrait mettre en place un mécanisme qui permette de suivre la réalisation des engagements relatifs aux domaines-clé de la DFAF
Faire respecter la dignité des femmes humaine, l’inaliénabilité de leurs droits, l’indivisibilité de ces droits, leur sécurité individuelle en privé et en public, la jouissance du libre arbitre, la libre participation aux délibérations locales, l’interdépendance de leurs droits, la protection spéciale des personnes vulnérables, la libre acquisition et jouissance du droit de propriété, la jouissance paisible des libertés fondamentales… Tels sont les engagements étatiques qui découlent de la Plateforme de Beijing, de la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, de la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, de son Protocole relatif aux droits des femmes, y compris de la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les sexes, et qui se retrouvent intégrés de manière transversale dans les dix paliers d’attentes de la DFAF.
2. Les Ministères Sectoriels concernés pourraient mettre en place des Cadres de concertation et de suivi avec les ONG. Ces groupes de travail « Ministères /ONG » auraient pour missions l’évaluation annuelle des résultats obtenus en rapport avec la DFAF et la planification future pour améliorer moyens et résultats, étant donné l’interconnexion de ceux-ci avec les objectifs du Millénaire pour le Développement et les recommandations du Comité de la CEDEF, notamment dans les domaines santé, entrepreneuriat, participation à la gouvernance et lutte contre les VEF .
3. Le cadre normatif pourrait inciter à l’application effective des droits des femmes. De sources sûres de l’Union Africaine, il est attendu une représentativité de 50/50 entre hommes et femmes dans les instances de décisions des Etats à l’horizon 2020 ; il apparait donc opportun de prendre des mesures législatives incitatives pour éliminer les disparités existantes entre hommes et femmes dans les aspects économiques et politiques de la vie courante.
A titre préventif le législateur devrait légiférer sur l’incrimination de la discrimination à l’égard des femmes et établir des sanctions appropriée pour tous actes ou faits qui violent les principes d’égalité des sexes d’ici à 2020.
III- RESPONSABILITE DES ONG PENDANT LA PERIODE 2010/2020
Une des faiblesses du mécanisme de la DFAF est son déficit de coercition et d’indicateurs quantitatifs.
Mais les ONG et autres OSC compétentes par domaine clé, peuvent s’allier pour faire pression sur les gouvernements en associant dans leur pétition, les OMD 2015, les recommandations du CEDEF 2009 et celles de l’Examen périodique universel sur la situation des femmes à l’horizon 2013.
1)Les OSC et ONG pourraient Réclamer des programmes politiques adaptés
Les organisations de la société civile devraient apporter leur concours en exigeant la budgétisation basée sur l’intégration du genre, l’allocation budgétaire destinée à soutenir l’équilibre entre hommes et femmes, la redevabilité vis-à-vis des besoins spécifiques des femmes, la répression effective des auteurs de violences faites aux femmes…
2)Les OSC et ONG devraient continuer la sensibilisation populaire sur les buts visés par la Décennie 2010/2020
Tous les moyens d’information, d’éducation et de communication devraient être mis à contribution pour conscientiser les populations et asseoir une transformation réelle, effective et raisonnable des mentalités en vue de parvenir, à l’horizon 2020, à la réduction significative des VEF, à la participation paritaire des hommes et des femmes aux postes de décisions, à la sécurité corporelle et psychologique en milieu professionnel familial et communautaire… conformément à la politique africaine sur l’égalité entre les sexes.
En conclusion, après bientôt deux ans de prise de conscience, les africaines gagneraient à s’organiser pour la réalisation pratique et mesurable des objectifs de la décennie 2010/2020 : encore 9 ans pour évaluer la crédibilité de l’Union Africaine en faveur du respect de la dignité de la femme.
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Cet article a été rédigé par Hermine Patricia NDJANDJO, juriste, éducatrice et défenseure des droits humains. Hermine Patricia Ndjandjo est activiste pour la promotion des genres et la parité hommes femmes, Vice-présidente et fondatrice de l’APGDHD-COURAGE2D et, également, membre de l’ONG ACAFEJ depuis 2004.