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Bilan du projet "Femmes actrices des élections locales au Kivu (RDC)"

dimanche 25 août 2019, par Claudy

Pour promouvoir les droits des femmes et jeunes filles dans le contexte électoral actuel en RDC, le CFCEM/GA a mené un projet intitulé : ’’Femmes actrices des Élections locales en RDC’’, exécuté avec l’appui technique de Genre en Action et l’appui financier de la Fondation RAJA Danièle Marcovici et de partenaires locaux. Ce projet s’est étendu sur deux ans de juin 2017 à juin 2019 et a concerné trois territoires dans le Sud-Kivu : Uvira, Kabare et Walungu. Quel bilan ?

Ce projet avait trois objectifs : 1. Augmenter la participation des femmes et des jeunes filles au processus électoral ; 2. Soutenir les candidatures et campagnes des femmes aux élections locales ; 3. mettre en place une campagne d’interpellation des candidates et candidats sur les besoins des femmes. Le troisième objectif était aussi d’installer une veille collective sur la participation des femmes à la vie politique locale, provinciale et nationale.

Quels résultats ?

  • Un réel intérêt des populations pour la participation des femmes aux élections locales

Le projet avait prévu de sensibiliser 300 jeunes femmes et jeunes filles. Il en a touché plus de 400. Les participantes et participants aux ateliers ont manifesté un intérêt réel aux ateliers. Il y a eu plus de monde que prévu. La mobilisation confirme un intérêt évident pour la question des élections locales, la place des femmes dans le ménage et l’économie locale, et sur la participation des femmes en politique.

Un engagement a cependant été obtenu auprès des hommes et des femmes, des filles et des garçons, et des leaders communautaires pour voter pour les femmes. Mais avec le report incessant des élections, il faudra re-mobiliser avant les élections (2020 ?) car les résistances à la participation politique des femmes sont fortes, et les « places » sont chères.

  • Des femmes candidates

Le projet avait anticipé d’attirer 50 candidates dans la campagne. Il y en a eu 30. Le projet anticipait aussi que 10 à 15 d’entre elles seraient candidates aux élections locales. Au final, 27 potentielles candidates se sont démarquées et ont montré leur détermination. Elles ont été formées sur la façon de mener une campagne électorale et ont postulé aux élections provinciales et nationales. Le projet n’avait pas anticipé de femmes élues à ce niveau. Or, quatre candidates ont été élues comme députées provinciales, une candidate a même été nommée Conseillère à la présidence de la République.

La sensibilisation continue pour les autres candidates potentielles aux élections locales.

Globalement, il a été clair tout le long du projet que les femmes manquent de moyens pour mener leurs campagnes. Les candidates qui se sont engagées à postuler ont connu des difficultés, notamment en ce qui concerne la caution demandée pour poser la candidature. L’action « 1 dollar pour ma candidate » n’a pas eu l’impact escomptés car les populations sont pauvres et les troubles électoraux fin 2018 ont encore affaibli la confiance des électeurs-trices dans le processus démocratique.

Les femmes manquent aussi de temps pour se décider, font face à des contraintes familiales, et au manque de confiance en soi. Tous ces paramètres ont été un obstacle pour atteindre les 50 candidates escomptées.

Enfin, certains partis politiques n’ont pas aligné les femmes se trouvant sur leurs listes en ordre utile, et ce malgré leurs promesses.

  • Un contexte politique difficile et des habitudes qui en disent long

Les élections locales prévues en 2018 n’ont pas eu lieu suite aux troubles politiques. En décembre, seules ont eu lieu des présidentielles, les législatives et les élections provinciales.

Les populations ont l’habitude d’être pris comme "bétail électoral" et d’être flattées par les candidats en quête de votes. Le projet a dû faire face à un nombre important des femmes et d’ hommes qui se sont présentés aux ateliers sans être invité.es, réclamaient aussi le transport, des repas ...

Quelles leçons ?

  • Les points forts du projet

Mobilisation maximale des femmes, adhésions des leaders locaux au projet, enthousiasme des femmes et leur nombre élevé à l’enrôlement ; adhésions des femmes aux partis politiques. Le premier jour du début de l’atelier des formateurs des formateurs par exemple, les responsables politiques comme le secrétaire exécutif provincial de la CENI, le Bourgmestre, les chefs de Division Genre et famille, et celle des affaires sociales, ainsi que toute la presse ont été mobilisés. Ceci a donné une importance particulière à l’événement. Nous avons observé le même engouement dans les territoires.

  • Les difficultés rencontrées

Le temps s’est avéré court. Il aurait fallu commencé bien avant. Pour de meilleurs résultats, il faudrait commencer dès maintenant les ateliers de formation et de sensibilisation, pour les élections nationales de 2023 et. Et surtout ne pas faiblir pour les élections locales (secteurs, chefferies, conseillers communaux de 2019/2020 (dates non connues précisément)

Les principales difficultés rencontrées concernent d’abord les multiples occupations des femmes qui ont conduit certaines activités à se faire dans la précipitation. La langue de communication a aussi causé quelques difficultés aux intervenant.es parce que les modules sont en français, que toutes les femmes ne maîtrisent pas. Il fallait un effort supplémentaire pour faire une traduction spontanée pendant les interventions, pour être compris de toutes les participantes, certaines n’ayant qu’une connaissance élémentaire de la langue française vu leur niveau d’études, et que certains mots et expressions françaises n’ont pas d’équivalents en swahili.

Une autre difficulté, et non la moindre, c’est que les participantes et participants dans les trois territoires confondent ces ateliers de formation et de sensibilisation avec des campagnes électorales. Ils s’attendaient à recevoir plus d’argent que prévu pour le transport. Ceux et celles qui se sont invité.es (donc qui n’étaient pas prévu.es) s’attendaient à recevoir aussi quelque chose pour le transport et à partager avec les invité.es les pause-café, et les pose-déjeuners. Les médias et presse ont exigé plus d’argent aussi plus que ce qui était prévu. Ces exemples illustrent les difficultés locales à aborder la démocratie hors des cadres corrompus et sans entrer dans le jeu du « bétail électoral » généralement acheté par les candidat.es.

Enfin, suite aux difficultés politiques, les premières élections locales, reportées depuis 2006 n’ont toujours pas eu lieu. Elles devraient avoir lieu en septembre 2019 et janvier 2020.

  • Des partenariats efficaces

Le projet a eu plusieurs partenaires : La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) l’a accompagné, à travers ses agents dans la formation des sensibilisatrices et l’octroi du matériel pédagogique. La Division provinciale Genre, femme et famille, en tant que Division de tutelle, a appuyé dans les orientations de notre action. Elle a représenté l’Etat congolais dans nos assises et a garanti la légalité de nos activités. Les chefs religieux ont contribué dans la mobilisation des communautés locales et la diffusion de nos messages dans leurs assemblées. La Société civile a participé activement et a offert de potentielles candidates. Les leaders locaux entre autres les chefs coutumiers, les autorités politico administratives, de par l’audience dont ils jouissent de la part de leurs communautés, ont contribué à convaincre la population à s’impliquer massivement dans le vote en faveur des candidatures féminines. L’ISECOF, partenaire local a appuyé financièrement (2350 euros) et a prêté ses locaux.

  • Bonnes pratiques

Ce projet a contribué à faire comprendre aux populations dominées par la culture patriarcale, surtout dans les milieux ruraux, que les femmes et les filles sont tout aussi capables que les hommes d’œuvrer pour le développement du pays et à occuper des postes de prise de décision. Ce projet a également aidé les femmes à ne pas se sous-estimer comme elles l’ont toujours fait à cause de l’éducation reçue. Les femmes ont compris qu’on ne s’enrôle pas seulement pour avoir sa carte d’électrice, mais aussi parce qu’elles sont citoyennes au même titre que les hommes et qu’elles doivent accomplir ce devoir civique.

Ce projet a beaucoup contribué au changement des mentalités et de comportement de la part des hommes comme des femmes (il y a eu un pourcentage élevé des femmes et filles enrôlées par rapport aux précédents enrôlements). Certains notables, entre autres le gardien des traditions de la chefferie de la tribu de Bafuliru, dans la plaine de la Ruzizi, ont témoigné qu’ils avaient les yeux bandés, qu’ils n’associaient jamais leurs filles aux importantes décisions familiales, mais que désormais ils allaient associer leurs filles à tout, et les consulter en tout il s’agit là d’une nouvelle pratique qui ne se faisait pas. Les sensibilisations ont également rétabli la confiance entre les filles et les femmes leaders. Car ces dernières étaient considérées comme des femmes de mauvaise vie, de mauvaises épouses, des femmes dénaturées mais maintenant elles ont compris qu’il s’agissait des préjugés que leurs propres mères, à cause de leur analphabétisme, leur ont inculquées. Elles ont compris qu’elles doivent emboîter le pas de ces femmes leaders. Certaines femmes qui n’ont pas un certain niveau d’études ont également compris qu’elles pouvaient être présidentes des comités des marchés, des comités de gestion des bornes fontaines, des chefs d’avenues. Les femmes ont compris qu’elles se sous estimaient et qu’elles pouvaient avoir autant que les hommes la compétence de gérer.

Perspectives futures

Les difficultés demeurent les mêmes, nous sommes toujours en pleine sensibilisation pour que nos candidates puissent avoir encore plus de chance.

Nous nous sommes rendu compte que le nombre des potentielles candidates et des candidates élus aurait pu être supérieur à celui obtenu, si ces campagnes de sensibilisation avaient pu commencer plutôt. Selon ce que nous avons expliqué aux candidates, il y a plusieurs préalables avant le lancement des campagnes électorales.

Les équipes formées et les outils de sensibilisation et de communication sont à disposition du projet suite à la phase 1, et nous estimons que la pérennité du projet passe par une accélération et un élargissement des actions menées afin qu’une majorité de localités du Sud Kivu soient prêtes à soutenir des femmes candidates et que les candidat.es (femmes et hommes) soient en capacité de plaider la cause des femmes. Nous prévoyons de mener nos sensibilisations au-delà des trois communes du projet, en commençant par la ville de Bukavu. La phase 1 du projet a permis de mobiliser des institutions locales, ainsi que la presse locale. Ces partenariats de la phase 1 serviront dans une phase 2.

Sur ce type de projet, et au Sud Kivu, l’autonomie financière n’est pas envisageable. Nous aurons donc besoin d’un autre soutien financier pour commencer le plutôt possible la sensibilisation et l’accompagnement des candidates dans la phase 2 du projet. Des recherches de financement – locales, nationales et internationales - sont en cours.

Conclusions

Ce projet qui a eu un impact réel sur les hommes et les femmes mérite qu’on puisse le poursuivre et à temps. Car plus il y aura des femmes dans les instances de prise de décision et dans les assemblées provinciales et nationale qui légifèrent, plus la condition des femmes et des filles s’améliorera davantage. Des lois pourront être votées en faveur des femmes par exemple. Les résolutions des Nations Unies en faveur des femmes comme la Résolution 1325, ou l’article 14 de la Constitution prônant la Parité Hommes/femmes, qui sont jusque-là lettre morte, auront plus de chance d’être prises en compte. Nous nous sommes également rendu compte que le temps était court, pour une meilleure préparation des candidates, compte tenu de tous les paramètres. Pour les prochaines élections locales, provinciales et nationales, selon le calendrier annoncé par le gouvernement, c’est maintenant que les candidates doivent préparer leur électorat, et non la veille. Nous devons donc commencer déjà les sensibilisations dans nos trois zones d’intervention et dans la ville de Bukavu.

Remerciements

A la Fondation RAJA, à Genre en Action, à tous les partenaires locaux.

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