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Ce que l’analyse genre aurait montré ...
samedi 31 juillet 2004
Développées dans le cadre d’une formation par le projet Formfed/IGED de la coopération Madagascar-UE en 2003, ces "mini" études de cas donnent une idée de ce que l’analyse de genre peut apporter à notre compréhension du contexte dans lequel nous travaillons, et éviter bien des déboires ...
Ces études de cas mettent en évidence qu’une intervention de développement qui n’est pas sensible au genre peut aggraver les inégalités entre les femmes et les hommes (les filles et les garçons) ’sans le vouloir’. Ces cas sont des cas réels repérés à Madagascar.
Premier cas
Un projet environnemental a réussi à interdire l’accès de la zone limitrophe d’une réserve à la population environnante. Une évaluation des effets de la création de cette réserve a été effectuée 2 ans après le démarrage.
Un des constats était une déscolarisation massive des garçons et surtout des filles. Les évaluateurs ont conclu que les jeunes filles et garçons avaient eu des opportunités de travail dans la réserve et avaient abandonné l’école.
Toutefois, une analyse plus fine des activités a montré que les habitants du village voisin étaient habitués à puiser leur bois de chauffage et de production artisanale ainsi que leur « eau », dans une source, à l’intérieur de la réserve. Ces tâches sont habituellement réservées surtout aux filles, et dans une moindre mesure, aux garçons. L’interdiction de l’accès à la réserve a eu pour conséquence que les filles devaient aller de plus en plus loin pour chercher de l’eau ou pour trouver du bois à l’extérieur de la réserve, ce qui leur prenait beaucoup plus de temps. Ainsi, les garçons, mais surtout les filles, sont arrivés de plus en plus en tard à l’école, sont devenus de moins en moins assidus, et plusieurs ont dû abandonner leurs études.
Deuxième cas
Dans un village, les tâches d’arrachage des jeunes plants de riz dans les pépinières et de repiquage ainsi que toutes les activités relatives au petit élevage étaient réservées aux femmes. Un projet de développement intégré a introduit la culture de riz intensive ainsi que l’élevage de poules pondeuses dans le village. Plusieurs ménages ont accepté de mener ces activités. Cependant, au bout d’une année, les responsables du projet se sont rendus compte que la production de riz n’avait pas augmenté et que la production d’œufs stagnait.
En utilisant l’outil d’analyse le "profil des activités", le projet a identifié les causes de ces problèmes : d’une part, l’introduction de la culture intensive du riz a augmenté la charge de travail des femmes qui ne disposaient plus du temps nécessaire pour conduire convenablement l’élevage des poules. D’autre part, les jours et horaires des formations sur ce type de culture et l’élevage de poules pondeuses ne correspondaient pas aux périodes de disponibilité des femmes et ce sont les hommes qui venaient se former. Il en a résulté que les techniques appropriées aux activités des femmes dans le projet n’ont pas été appliquées.
La mise en œuvre d’un programme/projet peut être bloquée, et ses effets et impacts limités, par insuffisance d’analyse de genre
Troisième cas
Dans la région sud du pays, les femmes n’héritent pas des terres de leurs parents et peu de gens acceptent de vendre des terres à des femmes. Une ONG pour la promotion de la femme a réussi à créer une association de femmes, dont les activités principales consistent à promouvoir l’artisanat et les cultures maraîchères. La commercialisation des produits issus de toutes ces activités est confiée aux femmes, qui peuvent prélever une certaine partie pour les besoins du foyer.
Les cultures maraîchères n’ont pas pu se développer convenablement. En effet, si les cultures de brèdes et de légumineuses ont pu être menées de manière assez satisfaisante, par contre cela n’a pas été le cas pour les cucurbitacées. Pourtant, ces cultures sont très adaptées au climat de la région et les produits étaient très demandés dans la ville voisine.
En fait, les femmes membres de cette association n’avaient pas pu avoir l’accord de leur mari pour la culture de cucurbitacées, car les coutumes déconseillent aux hommes mariés de s’occuper d’une telle production, sous peine de « stérilité ». De ce fait, les femmes avaient eu un accès très limité aux facteurs de production, notamment la terre pour cultiver, et aux bénéfices. L’ONG n’avait pas procédé à une analyse selon le genre dans le processus de planification et n’avait pas considéré les relations genre comme facteurs de risques pour l’efficacité du projet.
Par ailleurs, les responsables de l’ONG de promotion de la femme se sont rendus compte que seule une très petite partie des revenus tirés de la culture de brèdes et de légumineuses ainsi que de l’artisanat, était versée dans les caisses de l’association, ce qui ne correspondait pas aux décisions prises au moment de la constitution de l’association. En effet, il avait été convenu qu’au moins 50% des revenus seraient remis à l’association pour démarrer d’autres activités.
Le problème était que la grande partie des recettes de la vente de brèdes, légumineuses et produits artisanaux était soit remise aux maris qui décidaient de leur utilisation, soit investie dans le petit bétail (caprin, ovin), puis dans le gros bétail (bovin), afin de renforcer « le prestige » de leurs maris au sein de la communauté (dans cette région le prestige de l’homme est « proportionnel » au nombre de bétail en sa possession, et une « bonne épouse » se doit de renforcer ce prestige).
Une telle situation aurait pu être évitée si l’ONG avait procédé à une analyse du contrôle des bénéfices et du processus d’affectation des revenus de la famille, dans le cadre d’une approche genre et avait pris des mesures pour renforcer le pouvoir de décision des femmes d’une part, et sensibiliser les maris à la valeur ajoutée de l’épargne pour le ménage.
Le dernier exemple montre que parfois les relations femmes-hommes changent en réponse à des facteurs socio-économiques, sans qu’il y ait d’intervention extérieure des programmes/projets.
Dans le sud de Madagascar, depuis la découverte de filons de pierres précieuses, des femmes ont pu avoir de nouvelles responsabilités, assurer des tâches « non traditionnelles ou non reproductives », être dans les réunions, consultées pour les travaux communautaires d’entretien des canaux d’irrigation, à la suite de la migration des hommes pour l’extraction de pierres précieuses.
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Source : Note préparée pour la journée de sensibilisation des décideurs et partenaires de la coopération Madagascar-UE du 14 mars 2003 par Delphin Randriamiharisoa (Formfed/coop Mad-UE)