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Étude approfondie de toutes les formes de violence à l’égard des femmes

mardi 31 octobre 2006

La violence à l’égard des femmes est une forme de discrimination et une violation des droits fondamentaux, source de malheurs et de pertes en vies. A cause d’elle, un grand nombre de femmes
partout dans le monde vivent dans la peur et la douleur. Le rapport du Secrétaire général de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les formes de violence à l’égard des femmes est disponible. (Photo : Erell Collin)

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RESUME

La violence à l’égard des femmes est une forme de discrimination et une violation des droits fondamentaux.
Elle est source de malheurs et de pertes en vies humaines, et à cause d’elle, un grand nombre de femmes
partout dans le monde vivent dans la peur et la douleur. Elle nuit aux familles - à toutes les générations - appauvrit les communautés et renforce d’autres formes de violence dans toutes les sociétés. La violence
à l’égard des femmes les empêche de réaliser leur potentiel, entrave la croissance économique et sape le
développement.

La portée et l’étendue de la violence à l’égard des femmes sont reflet du degré et de la persistance
de la discrimination à laquelle les femmes continuent de faire face. On ne pourra donc l’éliminer
qu’en traitant du problème de la discrimination, en promouvant l’égalité et l’autonomisation des femmes
et en veillant au respect de leurs droits fondamentaux.
L’humanité tout entière tirerait profit de la fin de cette forme de violence, et des progrès considérables
ont été réalisés pour créer un cadre international aux fins de cet objectif, mais de nouvelles formes de
violence sont apparues et dans certains pays, les progrès réalisés précédemment par les femmes sur la voie
de l’égalité et pour vivre sans crainte de la violence ont été sapés ou sont menacés.

La prévalence continue
de la violence à l’égard des femmes est la preuve que les Etats doivent encore s’y attaquer avec la volonté
politique, la visibilité et les ressources nécessaires.
La violence à l’égard des femmes n’est ni immuable ni inévitable et pourrait être grandement réduite, voire
éliminée, avec la volonté politique et les ressources nécessaires.

La présente étude identifie les moyens de
combler le fossé entre les obligations des Etats conformément aux normes et aux politiques internationales
et leur mise en oeuvre inadéquate et incohérente au niveau national. Elle demande que les initiatives
prises pour éliminer la violence à l’égard des femmes se voient accorder une priorité accrue aux niveaux
local, national et international.

Vue d’ensemble

La violence à l’égard des femmes est passée du domaine privé à l’attention publique et est devenue la
responsabilité de l’Etat grâce en grande partie aux activités menées depuis la base par des organisations et
des mouvements de femmes partout dans le monde. Ces activités ont mis en lumière le fait que la violence
à l’égard des femmes n’est pas le résultat d’actes individuels et spontanés d’inconduite, mais qu’elle est
profondément enracinée dans la relation structurelle d’inégalité qui existe entre les femmes et les hommes.

L’interaction entre les activités de plaidoyer des femmes et les initiatives de l’ONU a été l’un des principaux
facteurs qui a fait que la violence à l’égard des femmes est devenue une des questions des droits fondamentaux
inscrite à l’ordre du jour international.
Des progrès considérables ont été réalisés dans l’élaboration de normes et de critères internationaux
convenus. Des instruments juridiques et politiques internationaux ont clarifié les obligations des Etats
de prévenir, éradiquer et punir la violence à l’égard des femmes. Mais partout dans le monde, des Etats
ne satisfont pas aux exigences juridiques et politiques internationales.

Causes et facteurs de risques

L’origine de la violence à l’égard des femmes réside dans les relations inégales de pouvoir qui, de tout temps,
ont existé entre les hommes et les femmes, et dans la discrimination générale que subissent les femmes au
niveau tant public que privé. Les disparités patriarcales de pouvoir, les normes culturelles discriminatoires
et les inégalités économiques nient aux femmes leurs droits fondamentaux et perpétuent la violence. La
violence à l’égard des femmes est l’un des principaux moyens par lequel les hommes contrôlent la liberté et
la sexualité les femmes.

Dans le contexte plus large de la subordination des femmes, les causes spécifiques de violence incluent le
recours à la violence pour régler des conflits, les doctrines de la vie privée et l’inaction de l’Etat. Les schémas
de comportement individuel ou familial, notamment la maltraitance, sont également en corrélation avec un
risque accru de violence.
La violence à l’égard des femmes n’est pas confinée à une culture, une région ou un pays donnés, ni à un
groupe spécifique de femmes dans une société. Les diverses manifestations de cette violence et les expériences
personnelles des femmes sont toutefois influencées par des facteurs tels que l’ethnicité, la classe sociale,
l’âge, l’orientation sexuelle, l’incapacité, la nationalité et la religion.

Formes et conséquences

Il existe de nombreuses formes de violence à l’égard des femmes - physique, sexuelle, psychologique et
économique. Certaines deviennent plus virulentes tandis que d’autres s’estompent au fil des changements
démographiques, de la restructuration économique et des mouvements sociaux et culturels des sociétés. Par
exemple, de nouvelles technologies peuvent engendrer de nouvelles formes de violence, tels le harcèlement
par l’Internet ou le téléphone mobile. Certaines formes, tels le trafic international et la violence contre les
travailleurs migrants, traversent les frontières nationales.

Les femmes subissent la violence dans toutes sortes d’environnements - la famille, la communauté, l’Etat, et
les conflits armés et leur suite. La violence constitue un continuum dans la vie des femmes, de la naissance à
la mort, tant dans la vie publique que dans la vie privée.
La forme la plus commune de violence que les femmes subissent partout dans le monde est la violence infligée
par un compagnon, violence qui parfois entraîne la mort. Certaines pratiques traditionnelles très répandues
sont également nocives, notamment les mariages précoces et forcés et la mutilation et/ou ablation génitale
féminine.

Dans le contexte communautaire, le féminicide (meurtre de femmes à caractère sexiste) la violence
et le harcèlement sexuels et la traite des femmes suscitent une attention croissante. La violence perpétrée
par l’Etat, par le biais de ses agents, par omission, ou par le biais de politiques nationales, va de la violence
physique et sexuelle à la violence psychologique, et peut être assimilée à une forme de torture. L’incidence
élevée de violence à l’égard des femmes dans les conflits armés, en particulier la violence sexuelle, notamment
les viols, a été progressivement mise au jour.

La violence à l’égard des femmes est lourde de conséquences pour les femmes, leurs enfants et l’ensemble de
la société. Les femmes qui sont victimes de la violence ont toute une gamme de problèmes de santé, et leur
aptitude à gagner leur vie et à participer à la vie publique s’en trouve diminuée. Leurs enfants sont bien plus
exposés à avoir des problèmes de santé, de mauvais résultats scolaires et des troubles de comportement.
La violence à l’égard des femmes appauvrit les femmes, leurs familles, leurs communautés et leurs pays. Elle
affaiblit la production économique, draine les ressources des services publics et des employeurs, et réduit la
formation du capital humain. Même si les enquêtes les plus complètes menées à ce jour en sous-estiment les
coûts, toutes montrent néanmoins que si rien n’est fait pour remédier au problème de la violence à l’égard des
femmes, cela aura de graves répercussions économiques.

Les bases de connaissances

Il ressort clairement que la violence à l’égard des femmes est un problème grave répandu dans le monde entier
 : 71 pays ont procédé à une enquête au moins sur la violence à l’égard des femmes. Mais il existe un besoin
urgent de renforcer les bases de connaissances qui permettront d’élaborer des politiques et des stratégies.
Un grand nombre de pays ne disposent pas de données fiables et il n’est pas toujours possible de comparer de
manière significative une grande partie de l’information existante. Peu nombreux sont les pays qui collectent
régulièrement des données, ce qui permettrait de quantifier les changements dans le temps.

Il faut rassembler
sans plus tarder des informations sur la façon dont les différentes formes de violence touchent divers
groupes de femmes ; il faut pour cela des données qui ont été ventilées selon des facteurs tels que l’âge et
l’ethnicité. On ne dispose que de peu de l’information nécessaire pour évaluer les mesures prises pour lutter
contre la violence à l’égard des femmes et pour en juger l’impact. Il incombe à chaque Etat de veiller à ce que
des données adéquates soient collectées pour traiter du problème de la violence à l’égard des femmes, mais
des données inadéquates ne réduisent en rien la responsabilité de l’Etat de prévenir et d’éliminer la violence
à l’égard des femmes.

Il faudrait établir un ensemble d’indicateurs internationaux sur la violence à l’égard des femmes basé sur les
données fiables et largement disponibles collectées au niveau national, en recourant à des méthodes comparables
pour définir et quantifier la violence.

La responsabilité de l’Etat

Les Etats ont l’obligation claire et concrète de s’employer à résoudre le problème de la violence à l’égard des
femmes, que cette violence soit le fait d’agents de l’Etat ou d’acteurs non étatiques. Les Etats ont également
des responsabilités à l’égard des femmes elles-mêmes, de l’ensemble de leurs citoyens et de la communauté
internationale. Les Etats ont le devoir de prévenir les actes de violence à l’égard des femmes ; d’enquêter sur ces
actes lorsqu’ils se produisent et de poursuivre et punir les auteurs ; et de compenser et d’aider les victimes.

Si des circonstances et des contraintes exigent que différents types d’action soient pris par l’Etat, elles
n’excusent pas une inaction de la part de l’Etat. Pourtant, partout dans le monde, des Etats n’appliquent pas
pleinement les normes internationales relatives à la violence à l’égard des femmes.

Lorsque l’Etat ne tient pas les auteurs de violences responsables de leurs actes, ceci a non seulement pour
résultat d’encourager de nouveaux sévices, mais le message ainsi transmis est que la violence des hommes
à l’égard des femmes est acceptable ou normale. Cette impunité constitue donc non seulement un déni de
justice envers les victimes ou survivantes, mais renforce également les inégalités dont souffrent également les
autres femmes et filles.

Pratiques prometteuses

Nombre d’Etats ont élaboré des pratiques avisées ou prometteuses pour prévenir la violence à l’égard des
femmes ou y répondre. Les stratégies des Etats face à la violence doivent promouvoir l’autonomie des femmes
et reposer sur les expériences et la participation et les partenariats avec les ONG et d’autres acteurs de la
société civile. Les ONG de femmes de beaucoup de pays se sont lancées dans des projets et des programmes
novateurs, en collaboration parfois avec l’Etat.
Les aspects génériques des pratiques avisées ou prometteuses peuvent provenir d’une diversité d’expériences
partout dans le monde.

Les principes communs incluent :
- des politiques et des lois clairement définies ;
des mécanismes d’application solides ;
- un personnel motivé et bien formé ;
- la participation de nombreux
secteurs ;
- et une collaboration étroite avec des associations de femmes, des organisations de la société civile,
des universitaires et des professions libérales.

Nombre de gouvernements ont recours à des plans d’action nationaux - qui comprennent des mesures
juridiques, la prestation de services et des stratégies de prévention - qui traitent de la violence à l’égard des
femmes. Les plans les plus effi caces incluent un processus de consultation des associations de femmes
et autres organisations de la société civile, des délais et des critères précis, des mécanismes de suivi de
l’application transparents, des indicateurs d’impact et d’évaluation, des sources de financement prévisibles et
adéquates, et l’intégration de mesures visant à remédier au problème de la violence à l’égard des femmes dans
des programmes de divers secteurs.

La voie à suivre : une question de priorités

Les manifestations de violence à l’égard des femmes sont complexes et diverses. L’élimination de ce phénomène
exige de la part des Etats, de l’ONU et de l’ensemble des parties prenantes une réponse globale et systématique.

Les communautés locales se doivent également de remédier à la violence à l’égard des femmes et elles
doivent être aidées dans cette tâche. Les hommes ont un rôle à jouer, en particulier pour prévenir la violence,
et ce rôle doit être examiné plus avant et renforcé.
Des mécanismes institutionnels solides sont nécessaires aux niveaux national et international pour garantir
action, coordination, suivi et responsabilité.

- Les Etats doivent prendre des mesures urgentes et concrètes pour garantir
l’égalité entre les sexes et protéger les droits fondamentaux des femmes
La violence à l’égard des femmes est tout à la fois une cause et une conséquence de la discrimination à leur
égard.
- Les Etats ont pour obligation de respecter, protéger, défendre et réaliser les droits fondamentaux,
y compris les droits des femmes à vivre sans subir de discrimination.

Si les Etats manquent à ce devoir,
la violence à l’égard des femmes s’en trouve exacerbée. Si par exemple les Etats permettent que restent en
vigueur des lois criminelles discriminatoires ou des lois qui ne pénalisent pas certaines formes de violence à
l’égard des femmes, ces actes peuvent donc être commis en toute impunité.

- Une volonté est indispensable pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes
Une volonté est essentielle à tous les niveaux (local, national, régional et international) et de la part de tous
les secteurs (notamment les politiques et les responsables gouvernementaux, les personnalités influentes, les
dirigeants des milieux d’affaires, les organisations de la société civiles et les dirigeants communautaires).

Les Etats doivent combler le fossé qui existe entre les normes internationales et les lois, les
politiques et les pratiques nationales
Il est essentiel de mettre fin à l’impunité et de veiller à ce que les auteurs d’actes de violence à l’égard des
femmes en soient tenus responsables si l’on veut prévenir et réduire cette forme de violence. L’impunité dans
les cas de violence à l’égard des femmes (tant par des acteurs étatiques que non étatiques) tient au fait que les
Etats n’appliquent pas les normes internationales aux niveaux national et local.

Il incombe aux Etats :
- d’agir
avec diligence afin de prévenir la violence à l’égard des femmes ;
- d’enquêter sur cette violence ;
- de poursuivre
et de punir les auteurs, qu’il s’agisse d’acteurs étatiques ou non étatiques ;
- et de prévoir des formes de
compensation pour les victimes.

- Les Etats doivent élaborer et maintenir des stratégies multisectorielles solides coordonnées
aux niveaux national et local
Mettre fin à la violence à l’égard des femmes exige non seulement un engagement politique manifeste, mais
aussi une action systématique et soutenue étayée par des mécanismes institutionnels permanents, solides et
spécialisés. Les Etats doivent faire fond sur le travail accompli par les organisations non gouvernementales,
le renforcer et l’institutionnaliser et partager leurs expériences avec les autres pays.

- Les Etats doivent allouer des ressources et un financement suffi sants aux programmes
qui s’attaquent et remédient au problème de la violence à l’égard des femmes
Les coûts économiques, sociaux et politiques encourus si on laisse cette forme de violence se perpétuer sont
importants et il faut donc faire un investissement équivalent dans la sécurité des femmes. Un tel effort exige
une volonté politique exprimée par un engagement financier et humain bien plus considérables. Les secteurs
de la santé, de la justice, du logement et de l’éducation ont un rôle critique à jouer pour aider les femmes à
survivre à la violence et à avoir accès à de bons services sociaux, juridiques et sanitaires, et pour renforcer
les activités de prévention.

- Les bases de connaissances sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes doivent
être renforcées pour servir à élaborer des politiques et des stratégies
Les informations qui permettent d’évaluer quelles politiques et quelles pratiques sont les plus efficaces sont
rares. Les gouvernements doivent assumer la responsabilité de la collecte systématique et de la publication
des données, en aidant les ONG, les universitaires et autres parties engagées dans ces activités. Le système
des Nations Unies peut en faire davantage pour renforcer la capacité des Etats à collecter, traiter et diffuser
les données sur la violence à l’égard des femmes.
Le groupe de travail de l’ONU devrait se réunir à titre prioritaire pour mettre au point un ensemble
d’indicateurs internationaux d’évaluation de la prévalence de la violence à l’égard des femmes et de l’impact
de différents types d’intervention. Une base comparable de données internationales sur la violence physique
infligée aux femmes par leurs partenaires pourrait être élaborée d’ici sept ans.

- L’Organisation des Nations Unies doit assumer un rôle de chef de file plus énergique, mieux
coordonné et plus visible pour remédier au problème de la violence à l’égard des femmes
L’Assemblée générale en particulier doit examiner chaque année la question de la violence à l’égard des
femmes et le Conseil de sécurité devrait envisager de créer un mécanisme de suivi spécialisé dans le cadre
de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, afin de renforcer sa contribution à la prévention
de la violence à l’égard des femmes et au règlement de ce problème. D’autres organes intergouvernementaux
devraient également apporter leur concours à l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans le cadre
de leurs mandats.

La Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la parité des sexes et la promotion de la femme devrait
diriger les efforts de l’ONU et en assurer la coordination. Une priorité accrue doit être accordée aux activités
opérationnelles des Nations Unies au niveau national pour faire face au problème de la violence à l’égard des
femmes, notamment dans les missions d’assistance humanitaire et de maintien de la paix.

- Les ressources allouées dans l’ensemble du système des Nations Unies pour remédier au
problème de la violence à l’égard des femmes doivent être considérablement augmentées
Les Etats, les donateurs et les organisations internationales doivent augmenter considérablement leur appui
financier aux activités sur la violence à l’égard des femmes menées par des organismes et des programmes
des Nations Unies.
La violence à l’égard des femmes doit se voir accorder une place prioritaire à tous les niveaux - elle
ne jouit pas du statut prioritaire nécessaire à la mise en place de véritables changements.

La volonté
politique est essentielle, car elle peut aboutir à d’importants résultats, mais il faut également consentir
un investissement considérable de ressources et fournir une aide constante, en particulier aux pays
les moins avancés et aux pays sortant d’un conflit. Une approche plus cohérente et plus stratégique
est requise de la part de tous les acteurs, y compris les gouvernements, la communauté internationale
et la société civile.

Pour plus d’informations :
http://www.un.org/womenwatch/daw/