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Éveiller l’espoir dans le nord de l’Éthiopie en gardant les adolescentes à l’école
vendredi 24 août 2007
Le projet Berhane Hewan a pour fonction de dispenser aux adolescentes des zones rurales les connaissances, aptitudes et ressources dont elles ont besoin pour éviter un mariage précoce, en prêtant un soutien additionnel aux filles déjà mariées.
23/04/2007
Avril 2007
MESSOBO (Éthiopie) – Le jour où elle devait recevoir son diplôme au projet Berhane Hewan, Yideneku Chanie s’est levée particulièrement tôt. Après avoir assisté pendant 18 mois aux classes, elle s’est vu remettre un certificat et une brebis pleine pour avoir achevé avec succès son éducation.
“J’aime tellement Berhane Hewan. Il m’a évité d’être donnée en mariage”, dit Yideneku, âgée de 12 ans, un éclair illuminant ses yeux noirs. Autour d’elle, des centaines de filles et leurs familles remplissaient la grande cour en terre de l’Association du quartier Mosobo (Mosobo Kebele), parlant avec animation de la cérémonie de remise des prix à laquelle elles venaient d’assister.
Terme amharique qui signifie ‘lumière du soir’, Berhane Hewan a pour fonction de dispenser aux adolescentes des zones rurales les connaissances, aptitudes et ressources dont elles ont besoin pour éviter un mariage précoce, en prêtant un soutien additionnel aux filles déjà mariées. Le projet est financé par l’UNFPA, Fonds des Nations Unies pour la population, par l’entremise de la Fondation Nike, avec l’appui technique du Population Council. Le Ministère de la jeunesse et des sports et le Bureau de la jeunesse et des sports de la région Amhara exécutent le projet.
Le projet a été mis au point à la suite de consultations approfondies avec la communauté locale de Mosobo, quartier (kebele) de Yilimana Densa, agglomération située à une quarantaine de kilomètres au nord de Bahir Dar, capitale de la région Amhara. Il incorpore des enseignements tirés de programmes antérieurs pour mettre fin aux mariages précoces et offre aux familles des possibilités de stopper la pratique.
“La pratique traditionnelle du mariage précoce est l’un des principaux facteurs qui ont contribué à la situation effrayante des femmes éthiopiennes en matière de santé procréative”, a déclaré Ayalew Gobezie, Président de l’État régional Amhara, dans son allocution devant la communauté. En Éthiopie, on compte 850 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes.
Le mariage précoce a un immense impact sur les femmes et les familles dans le monde entier. Sans parler d’un certain nombre de problèmes de santé liés au mariage précoce, comme les fistules ou les décès maternels, les filles mariées dès l’enfance sont très généralement privées d’une éducation et donc condamnées à dépendre toute leur vie de leur mari et de la famille de celui-ci.
Dans la région Amhara d’Éthiopie où est basé le projet Berhane Hewan, les taux de mariage des enfants sont parmi les plus élevés du monde. La moitié de toutes les filles de cette région sont mariées avant leur quinzième anniversaire. La plupart d’entre elles n’avaient jamais rencontré leur mari avant le jour du mariage, selon une récente enquête, et ont subi de force des rapports sexuels. Pire encore, la plupart des filles mariées interviewées au cours de l’enquête ont déclaré qu’elles n’avaient pas encore leurs règles au moment du premier rapport sexuel.
“Cette pratique est une violation non seulement de leurs droits humains, mais aussi de la loi éthiopienne, qui stipule que le mariage n’est légal qu’entre adultes consentants qui ont atteint au minimum l’âge de 18 ans”, a déclaré Monique Rakotomala, Directrice de pays de l’UNFPA.
La pratique changera seulement quand la société éthiopienne commencera à reconnaître les femmes pour des agents d’importance égale dans le développement social et économique du pays. Mais, en attendant ce jour, Berhane Hewan met à l’abri des centaines de filles en leur faisant suivre des programmes d’étude jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge légal du mariage.
Outre Yideneku, près de 650 autres adolescentes ont déjà reçu leur diplôme à Berhane Hewan. Conçu comme un encadrement, le projet rassemble des filles mariées et non mariées âgées de 10 à 19 ans. Sous la direction de conseillères adultes, les filles reçoivent une éducation non structurée et apprennent des savoir-faire nécessaires à la vie, ou bien participent à des clubs de filles mariées. Les filles non mariées se réunissent cinq fois par semaine et les filles mariées une seule fois.
À l’aide d’un matériel d’enseignement fourni par le projet, filles et jeunes femmes accèdent à l’alphabétisation fonctionnelle, acquièrent des savoir-faire nécessaires à la vie et s’initient à la santé procréative. Il leur faut six mois pour achever un cycle d’enseignement et la plupart des filles sont prêtes à aborder une scolarisation structurée après avoir achevé les 18 mois de scolarisation offerts par le projet, entrant alors dans la quatrième année d’études (cours moyen de l’enseignement primaire français). Quatre-vingt-quatre d’entre elles fréquentent déjà l’école primaire de la petite ville d’Adet, à une heure de marche environ de Mosobo.
“Auparavant, comme nos parents n’avaient pas assez de ressources pour nous acheter par exemple une plume et des livres d’exercice, nous ne recevions aucune éducation. Notre sort était normalement d’être mariées de bonne heure. Mais depuis que le projet a commencé, ce problème est résolu”, dit Yideneku.
Dans le cadre du programme, le projet organise des dialogues mensuels au niveau de la communauté, au cours desquels les membres du kebele peuvent débattre de thèmes concernant le bien-être de leurs filles, à savoir la santé procréative et le VIH/sida, ainsi que de problèmes de gestion ménagère. Les débats sont analogues à ceux qui ont lieu entre les filles elles-mêmes.
“La différence réelle ici est que les familles des filles ont part aussi bien à la planification qu’à l’exécution”, déclare le Dr. Tekleab Mekbib, du Population Council. “Cela leur donne le contrôle du processus, ainsi qu’une certaine fierté, et assure le succès du projet.”
Les familles ont appris, par exemple, à construire des fourneaux de meilleure qualité et à gérer un ménage. Elles reçoivent aussi, gratuitement, des conseils et des services de planification familiale à l’antenne sanitaire locale. En outre, les familles ont obtenu la possibilité de cultiver des légumes pour leur consommation ou la vente, ainsi qu’un soutien pour se lancer dans un modeste élevage de volaille qui représente un complément de revenu.
En témoignage de satisfaction, la communauté a pris l’initiative de construire quatre maisons pour le projet. Elle a aussi pris une part active à l’inscription des élèves. Plus de 700 filles sont entrées à Berhane Hewan dans les deux premiers mois – soit approximativement 40 % des filles remplissant les conditions voulues. Soixante-dix-sept pour cent des participantes ne sont pas mariées, 20 % sont mariées, et environ 3 % divorcées.
On fait également appel à l’assistance des maris. Pour alléger la charge de travail des filles mariées et aider la communauté, des fourneaux de meilleure qualité ont été construits et des puits creusés en certains points de la localité. Cela aide les filles à avoir accès à de l’eau potable dans le voisinage et leur donne le temps de participer aux débats des clubs de filles.
“Des projets comme celui-ci s’imposent d’urgence en Éthiopie et peuvent mettre fin aux sévices dont sont victimes les enfants dans les centres urbains du pays”, a déclaré Monique Rakotomala.
De nombreuses filles s’enfuient du foyer familial et gagnent les zones urbaines afin d’échapper à un mariage précoce. Une étude conduite dans les zones de taudis à Addis-Abeba a établi que de nombreuses migrantes viennent à la ville pour échapper à un mariage précoce. La plupart finissent comme domestiques ou travailleuses de l’industrie du sexe.
Jusqu’à présent, pas une seule fille n’ayant pas atteint l’âge légal n’a été donnée en mariage à Mosobo durant l’année en cours. Cela a été dû en partie à la ferme détermination des autorités locales de freiner la pratique. Agissant en étroite liaison avec l’administration du district ainsi qu’avec la police et le procureur du district, les autorités locales ont déféré devant la justice trois familles qui tentaient de donner leurs enfants en mariage. Les mariages ont été annulés.
La détermination des dirigeants nationaux est elle aussi cruciale pour le succès du programme, dont l’extension est prévue à 10 autres kebeles. La cérémonie de remise des diplômes a connu un immense succès : outre les membres de la communauté et les filles qui allaient recevoir leur diplôme, elle a réuni de hauts représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement régional – notamment le Vice-Président du Parlement éthiopien, le Ministre de la jeunesse et des sports, le Ministre d’État du Ministère des affaires féminines et le Président de l’État régional Amhara.
La mère de Yideneku envoie toutes ses filles à l’école. Elle reproche toujours à ses propres parents de ne pas l’avoir envoyée à l’école et elle est heureuse que ses filles aient davantage de perspectives d’avenir.
Quant à Yideneku, maintenant qu’elle a achevé avec succès l’éducation non structurée, elle est impatiente de suivre un enseignement de type scolaire. Elle rêve de devenir un jour docteur en médecine.
Abraham Gelaw