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Genre et citoyenneté
dimanche 29 février 2004
Nouveau numéro de la série ’Développement et genre en Bref’ et du Kit’Actu de Bridge sur les liens entre genre et citoyenneté. Des concepts, des exemples, des lignes directrices ...
Développement et genre en bref
Une mise à jour de BRIDGE Numéro 14 Janvier 2004
Genre et citoyenneté
Dans ce numéro :
· Redéfinir la citoyenneté
· Un voyage sans carte : l’histoire de Naripokkho
· Un exemple d’organisation contre la violence à la frontière américano-mexicaine
Ce numéro d’EN BREF examine dans quelle mesure travailler avec les concepts de citoyenneté peut contribuer à promouvoir l’égalité des genres. Une approche du développement qui part du point de vue des gens en tant que citoyens peut permettre aux acteurs du développement de soutenir les luttes en faveur des droits et de la participation aux prises de décisions des personnes marginalisées sur la base de leur sexe. Comme dans l’exemple de Naripokkho, il convient pour cela de redéfinir les droits et les responsabilités citoyennes pour y inclure les besoins des femmes et faire en sorte qu’elle aient accès à la politique et aux institutions. Ce que les gens entendent par citoyenneté diffère d’une situation à l’autre et évolue avec le temps. Les concepts d’appartenance et d’acceptation se renégocient à mesure que de nouvelles alliances se forment à la lumière d’intérêts partagés — comme l’a montré l’initiative transfrontalière contre la violence aux États-Unis et au Mexique.
Dans le terme citoyenneté, on entend :
Appartenance et acceptation
droits et responsabilités
universalité
un statut et une pratique
un processus
une relation à l’état
une relation au monde
participation
prise de décision
obligations
droits
rôles
devoirs
identité
accès à la protection légale et à la justice
nationalité
Redéfinir la citoyenneté
SHAMIM MEER et CHARLIE SEVER
Le terme de citoyenneté est équivoque. De par sa nature abstraite, on peine à l’identifier et à décrire ce qu’il représente dans l’expérience réelle, vécue. Il peut représenter des choses bien différentes, d’un individu à l’autre.
Il y a ceux pour qui la citoyenneté est un espace d’accomplissement, de pouvoir et d’affirmation de leur place dans le monde – un moyen de parvenir à une évolution positive et d’obtenir de meilleures conditions de vie pour tous les groupes. Pour d’autres, ce peut être un concept malin – exclusif, aliénant ou menaçant – qui ne sert qu’à marginaliser et exclure en acceptant les uns et rejetant les autres, sur la base du genre, du milieu social ou de la race. Certains peuvent penser que la citoyenneté n’a pas « de place » dans leurs vies, déjà bien trop soumises aux pressions de la vie quotidienne pour qu’ils ou elles puissent envisager de participer à des prises de décision à un niveau plus général ou à des luttes pour leurs droits.
Comment décrire, pourtant, la citoyenneté ou ce qu’elle représente dans la vie des gens vivant dans la pauvreté et l’insécurité ? Pouvons-nous démystifier les concepts de citoyenneté et les dépeindre tels qu’ils apparaissent dans des scénarios, des campagnes et des projets réels sur l’ensemble du globe ? De nombreux travailleurs du développement défendent le recours au langage et à l’argument de la citoyenneté comme un mode de travail efficace dans les programmes de développement qui cherchent à atteindre l’égalité des genres en s’intéressant d’abord aux gens et à leurs interactions avec les institutions.
Pour commencer, il nous faut tenter de comprendre les différentes significations que nous donnons à ce terme, comment il peut varier en fonction de la personne qui parle et les héritages historiques qui l’ont façonné. Diverses manières de
décrire la citoyenneté sont présentées plus haut. Du point de vue du genre, certains de ces termes posent d’emblée plusieurs problèmes.
L’idée de droits et responsabilités « universels », d’abord, est problématique. En réalité, les gens n’ont pas tous les mêmes besoins ni la même position dans la société – il n’y a pas de citoyen « universel ». Cela signifie que les droits et les responsabilités sont en fait construits au nom des groupes les plus puissants de la société – puissants par le genre, l’appartenance ethnique, la couleur de la peau ou une position sociale – dans leur intérêt et pour servir leurs besoins.
Deuxièmement, la citoyenneté est généralement basée sur la position des individus dans la société : où ils se situent dans des relations de pouvoirs inégalitaires et les rôles sociaux qu’ils sont censés jouer. La plupart des sociétés définissent des rôles « conformes » pour les femmes et les hommes – des rôles idéalisés qui consignent les femmes dans la sphère domestique, privée, du foyer et de la famille et assignent aux hommes le domaine public de la politique, de l’économie et de la prise de décision. Ce genre de clivage n’est peut-être qu’une idée de « comportement conforme », mais de telles idées ont des implications de fait. Cette division entre la sphère publique et privée signifie que ce sont les hommes qui sont perçus comme des citoyens à part entière – comme des décideurs politiques actifs. Les femmes, qui ne sont pas considérés comme des agents politiques, sont considérées comme dépendantes des hommes, lesquels gouvernent la société en leur nom. Ceux qui se démarquent de ces rôles courent le risque d’être stigmatisés, exclus, ou que leurs actions passent inaperçues.
À la lumière de ces problèmes, les féministes et les défenseurs des droits des femmes se sont efforcés de reformuler la citoyenneté du point de vue du genre et de démontrer la nécessité de concevoir les combats pour les droits des femmes comme des combats citoyens concernant l’ensemble de la société et non simplement les « intérêts d’une minorité ».
Inclure les exclus
La discrimination positive et l’instauration de quotas politiques ont constitué une réponse directe au problème de l’exclusion des espaces de prise de décisions.
« Dans notre ville, les femmes pensaient que la politique était réservée aux hommes. Elles pensent aujourd’hui qu’elles peuvent devenir conseillères municipales et gouverneurs. » Dans un contexte où les droits civiques étaient relativement récents pour la majorité de la population noire, les femmes namibiennes ont fait campagne pour instituer officiellement des quotas féminins dans les instances politiques. La campagne a fait naître une nouvelle prise de conscience des droits des femmes et bousculé l’idée que les femmes ne sont pas des acteurs politiques.
Un autre moyen est de définir les droits sur la base des besoins réels des femmes et des hommes appartenant à des groupes minoritaires et non ceux d’un « citoyen universel ». Dans ce but, il faut veiller à ce que les groupes marginalisés puissent exprimer leurs besoins et que ces voix parviennent jusqu’aux puissantes institutions et les transforment.
À la fin des années 1990, des militants et des chercheurs d’Afrique du Sud ont mené une campagne pour intervenir dans la réforme du droit coutumier concernant le mariage, qui veut qu’un homme puisse épouser plusieurs femmes (polygamie). À l’une des réunions, une chercheuse remarqua qu’une partie des femmes était assise en silence, observant la masse des danseurs qui scandaient « un homme, une femme ». Elle demanda à ces femmes pourquoi elles restaient silencieuses. Elles répondirent qu’elles vivaient dans des mariages polygames et que leurs moyens d’existence seraient menacés si la polygamie n’était pas reconnue. En définitive, l’intervention de la campagne dans le processus de réforme permit de reformuler la loi pour rendre la polygamie coûteuse (avec la perspective d’entraîner sa disparition), tout en sauvegardant les droits des femmes à la propriété maritale.
Redéfinir le clivage public/privé
Le clivage qui place physiquement les femmes et les hommes dans des sphères mutuellement exclusives détermine aussi l’attention accordée aux divers intérêts et besoins. Les solutions publiques et/ou politiques éludent depuis longtemps les problèmes familiaux, domestiques et sexuels. Pour contrer l’idée que les problèmes privés sortent du cadre de la politique, des féministes affirment que les questions relatives à la sexualité, à la reproduction et aux "torts privés" comme la violence domestique réclament une attention publique. Ils défendent aussi l’idée que la participation politique doit être concue de manière à inclure des politiques informelles comme les groupes de femmes, les mécanismes de soutien et d’autres formes de mobilisation sociale.
Au Bengale occidental, en Inde, les travailleurs du sexe ont refusé leur exclusion en tant que citoyens à part entière en affirmant leur droit à l’organisation. Ils ont montré qu’il était important pour eux de définir le problème des filières de travail sexuel, et les solutions à ce problème, de leur propre point de vue. En donnant voix à leurs besoins spécifiques et en revendiquant des droits basés sur ces besoins, ils ont bousculé l’idée que le sexe est une affaire privée dont on ne doit pas parler en public.
Conclusions
Lutter pour défendre, réinterpréter et étendre certains droits peut donc aider les femmes à s’affirmer comme des êtres politiques. Les combats collectifs permettent aux femmes de se faire entendre et d’influencer les institutions qui circonscrivent leurs vies – le foyer, le marché, l’état et l’arène internationale. Combiner ainsi la revendication des droits, de la
participation et de campagnes d’influence peut mener à d’autres formes de citoyenneté pertinentes pour ceux qui en ont été exclus jusqu’ici.
Travailler en direction de ces objectifs exige des processus de recherche et d’analyse en terme de genre, afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière la discrimination et l’exclusion. Les responsables politiques et les praticiens doivent s’efforcer de donner aux gens, et aux femmes en particulier, les moyens de définir leurs propres besoins et solutions, et d’interpréter les droits et responsabilités de leur propres points de vue. Il conviendra en conséquence de traiter les problèmes soi-disant "privés" comme la violence conjuguale et la sexualité, de même que la participation économique et politique, comme des droits citoyens.
Les organisations de femmes sont les expressions puissantes d’une citoyenneté active, surtout dans les campagnes qui comportent un travail de préconisation, de sensibilisation et de pression. Des moyens, des formations et des efforts d’autonomisation doivent venir en soutien de la société civile qui s’organise pour l’égalité des genres, afin de permettre une interaction effective des politiques et des institutions et de les influencer.
“Ma mère est égyptienne... La nationalité est mon droit”’Page de couverture de l’Egyptian Association for the Development and Enhancement of Women (ADEW) [Association égyptienne pour le développement et l’avancement des femmes] Rapport annuel, 2001.
Un voyage sans carte : l’histoire de Naripokkho
SHIREEN HUQ, Naripokkho
De même que le riz n’est pas du pain, les femmes ne sont pas des êtres humains.
Dicton populaire
Nous voulons notre dignité en tant qu’êtres humains, non en tant que mères ou soeurs, et nous voulons nos droits en tant que citoyennes.
Slogan Naripokkho
Naripokkho est une organisation de femmes fondée en 1983. L’histoire de Naripokkho illustre deux modes de redéfinitions majeurs de la citoyenneté, en vue de promouvoir l’égalité des genres : d’abord en demandant que les droits des femmes soient reconnus comme des droits de citoyens à part entière ; puis en questionnant le sens de l’expression "comportement convenable" appliquée aux femmes.
Au Bangladesh, les femmes n’intéressaient les partis politiques que dans la mesure où nous représentions des voix. Nous n’intéressions les agences de développement que dans nos rôles de mères ayant une famille à charge et un foyer à entretenir. Dans les deux cas, nos préoccupations passaient après les problèmes plus « importants » du moment : problèmes de pouvoir d’état et de gouvernement, « élimination » de la pauvreté. Les inégalités fondamentales en termes de droits et de libertés stricts comme dans la vie réelle, au quotidien, n’étaient pas abordées. Surtout, on ne voyait pas la nécessité de revoir les conceptions établies sur ce que signifie être un homme ou une femme.
Au cours des vingt ans de son histoire, Naripokkho a travaillé sur divers problèmes allant de la contraception sans risque à l’amélioration des services aux rescapés de violence, en passant par des luttes pour la reconnaissance des femmes paysannes en tant que productrices agricoles. Nous avons lancé des campagnes pour protester contre le rejet de déchets toxiques, les violations des droits humains de minorités ethniques et religieuses ou l’introduction de l’islam comme religion d’état. Naripokkho s’est également battu contre l’expulsion de milliers de travailleuses sexuelles et de leurs enfants des maisons closes de Dhaka et Narayanganj et a présidé et fait vivre une alliance d’organisations non-gouvernementales en soutien aux droits humains des travailleurs sexuels.
Lors de la journée internationale des femmes en 1991, pour la première fois au Bangladesh, plus de deux milles femmes coordonnées par des membres de Naripokkho ont manifesté dans les rues de Dhaka. Elles se sont rassemblées devant le parlement pour demander « Rashtro ebong poribarey, shoman hobo odhikarey » (égalité dans l’état, égalité dans la famille). En 1995, Naripokkho a organisé la première conférence nationale des organisations de femmes, à laquelle ont assisté plus de 400 femmes représentant 240 organisations de femmes de tous le Bangladesh ; une deuxième conférence s’est tenue en janvier 2002.
Naripokkho cherchait à construire une alternative au dogme des partis politiques, d’une part, et au programme des agences de développement concernant « le développement des femmes », d’autre part. Au début, nous avons commencé par nous intéresser aux femmes en tant qu’agents plutôt que bénéficiaires du développement. Beaucoup de travailleuses du développement payaient d’un prix personnel élevé le fait de ne pas se conformer aux limites acceptées de leurs conditions de femmes, dans le Bangladesh rural en particulier. En sortant du rang, nous encourions toutes le risque d’être punies, d’être bannies ou rejetées par nos familles et nos communautés. La part de risque que nous pouvions chacune assumer dépendait de nos positions de repli. Avions nous des familles qui nous comprenaient et nous soutenaient dans notre politique et nos actions ? Non, c’était loin d’être le cas pour la plupart d’entre nous.
Encore aujourd’hui, Naripokkho regroupe principalement des femmes travaillant avec des agences de développement, à différents niveaux. Néanmoins, l’effectif est aujourd’hui plus diversifié qu’au tout début, dans les années 1980, et s’est enrichi de professeurs, d’avocats, de docteurs et de chercheurs. Notre stratégie a changé. Elle n’est plus tant, comme à l’origine, de répondre aux problèmes des travailleurs du développement en direction des femmes ; nous nous efforçons désormais de construire des réseaux avec les groupes de femmes locaux de l’ensemble du pays.
L’organisation demeure en butte à l’hostilité et aux oppositions. Nous avons été salis et accusés d’être dirigé par une O.N.G. (sous-entendu « occidentale et dirigée par les bailleurs de fonds ») ou d’être trop radical et ugro (vulgaire, agressive). On craignait que nous soyons incontrôlables et que nous manquions de respect et de révérence pour « les coutumes et la tradition ». Pourtant, nous attirions aussi dans un certain sens. Nous intriguions par notre énergie et notre « audace » apparente, notre damn care bhaab (attitude risque-tout).
Pour nous, la question de l’équilibre entre l’engagement dans un processus politique et l’activisme organisationnel pour construire un mouvement n’est toujours pas résolue ; nous avons constamment à nous battre avec la nécessité de maintenir une attitude critique tout en s’engageant. En 1990, deux membres piliers de Naripokkho ont été invités par le gouvernement à prendre part à son comité consultatif national sur l’éducation. Un certain nombre de membres de l’organisation pensaient que la participation de Naripokkho à ce comité allait donner un surcroît de légitimité au régime « autocratique » de l’époque. Pour finir, Naripokkho accepta d’entrer dans le comité mais au prix du départ d’une partie de ses membres.
L’itinéraire de Naripokkho illustre quelques-unes des significations et expressions complexes de la citoyenneté. Il montre le rejet fréquent des droits des femmes en tant que droits citoyens dans les politiques de développement. Il implique des femmes qui choisissent de sortir du « rôle conforme » dévolu aux citoyens de sexe féminin et décrit leur combat contre l’exclusion et les préjugés. Il dépeint également une citoyenneté active dans les luttes contre ces exclusions, en forme d’action résolue, d’organisation et de lutte collective.
Cet article est basé sur l’ouvrage de Huq, S., ‘“Bodies as Sites of Struggle” : Naripokkho and Women’s Rights in Bangladesh’, Kabeer (ed.) [Les corps, lieux d’affrontement : Naripokkho et les droits des femmes au Bangladesh].
Pour de plus amples informations, contacter :
Naripokkho
G.P.O. Box 723
Dhaka 1000
Bangladesh
Tel : +880 2 8119917
Email : convenor@pradeshta.net
« Les alliances symbolisent la création d’espace pour la fraternité féminine et la solidarité. » Dessin de Equipo de Comunicación Alternativa con Mujeres (ECAM), 2000, [diriger] (Liderazgo), pouvoir local (Poder Local) Series, No 3, Tarija : ECAM (page 13)
Organisation contre la violence sexospécifique à la frontière américano-mexicaine
KATHLEEN STAUDT et IRASEMA CORONADO, University of Texas à El Paso
Ciudad Juarez, la quatrième ville du Mexique est située à proximité immédiate d’El Paso sur la frontière américano-mexicaine. La ville est “capitale maquiladora ” du fait du grand nombre d’usines de transformation exportatrices, à capitaux étrangers, qui s’y trouvent. Les maquiladoras emploient une main-d’œuvre majoritairement féminine pour des salaires dix fois inférieurs au salaire minimum américain. En tout, plus de 2 millions de gens vivent dans la région, de part et d’autre de la frontière, liés pour beaucoup par des liens de parenté, d’amitié, d’interdépendance professionnelle ou de consommation. Au cours de la dernière décennie, plus de 300 filles et femmes ont été assassinées, dont un tiers violées et mutilées avant leur mort. Elles étaient dans leur majorité âgées de 11 à 22 ans, issues de milieux aux moyens économiques extrêmement faibles. Des centaines d’autres sont portées disparues. Les officiers de police opèrent en toute impunité, indifférents aux familles des victimes.
La coalition contre les violences à l’égard des femmes et des filles sur la frontière américano-mexicaine est née en 2001 après un rassemblement de solidarité organisé par les syndicats à Juarez, où la violence à l’égard des femmes est apparue comme un problème majeur. Depuis, des organisations et des individus membres de la coalition ont travaillé bilatéralement pour sensibiliser la population et agir sur les politiques. Certaines de ces organisations ont également récolté des fonds pour les familles des victimes. La Coalition entretient des liens avec des journalistes et des réseaux régionaux, nationaux et internationaux.
Les liens qui relient le global au local sont plus apparents aux frontières internationales. Les campagnes et les arguments en faveur des droits des femmes sont généralement limités par des interprétations qui perçoivent les droits de la citoyenneté en termes de souveraineté nationale. L’organisation et la collaboration transfrontalières rencontrent par conséquent quelques problèmes quand elles visent, entre autres objectifs, à revendiquer des protections et recours légaux qui n’existent que sous une loi nationale.
Juarez et El Paso sont reliées par les hanches, l’âme et le cœur. La plupart des résidents portent un héritage mexicain. Les victimes sont surtout des citoyens mexicains mais quatre étaient d’origine américaine, une hollandaise et une autre hondurienne. Des voyous — peut-être envoyés par les autorités, peut-être protégés par elles — rendent visite aux familles des victimes pour les intimider.
Cette étude de cas illustre des révisions féministes de la citoyenneté qui l’interprètent comme une appartenance active à différents groupes et communautés — non uniquement à la nation. Ces communautés peuvent transcender les frontières nationales en fonction de leur localisation ou regrouper des communautés régionales ou même globales comme les femmes ou les pauvres. Cette campagne vise à unir des individus oeuvrant au nom d’un féminisme informé par le compromiso – un sentiment d’engagement social et un devoir en tant que citoyen d’une ou plusieurs de ces communautés. Les membres de la coalition sont un groupe hétérogène : militants des droits humains, religieux et syndicalistes ; professeurs et étudiants, issus pour la plupart d’écoles d’études supérieures ; personnel chargé de guider et d’offrir un refuge aux femmes battues. Les membres sont à la fois “à l’intérieur” et “à l’extérieur”. Ceux de “l’intérieur” peuvent occuper des fonctions stratégiques d’employés au sénat ou sont professeurs, avec un meilleur accès aux décideurs ; les “extérieurs” sont généralement des radicaux ayant un long passé d’organisateurs de rassemblements, de protestations, des professionnels du “chahut”.
Les militants symbolisent les morts par des croix noires sur fonds roses, peints sur les poteaux téléphoniques, les bâtiments, les pancartes et les badges que portent les gens. Les femmes s’habillent en vêtement de deuil lors des protestations : mujeres de negro (femmes en noir). Les manifestations publiques attirent d’importantes foules sur les plazas de la ville.
Les membres de la Coalition cultivent le soutien des dirigeants politiques, soumettant résolutions et proclamations aux conseils municipaux qui dénoncent les violences faites aux femmes. Ils encouragent la coopération bi-nationale entre inspecteurs de police et instances de justice criminelle pour améliorer les enquêtes professionnelles, partager les services de laboratoire et d’examen et utiliser des lignes d’écoutes internationales (lignes où des crimes peuvent être rapportés). En octobre 2003, une délégation du congrès américain essentiellement composée de membres du Caucus des femmes et des hispaniques s’est rendue à la frontière pour rencontrer les familles des victimes, des militants, des avocats et des officiels. La visite a eu un effet d’entraînement. Une législation a aussi été introduite pour financer une coopération bi-nationale élargie au niveau des enquêtes et des activités contre la violence à l’égard des femmes.
Il reste encore beaucoup à faire. Nous invitons nos lecteurs à s’engager et en savoir plus en lisant notre ouvrage : Fronteras no Mas : Toward Social Justice at the US-Mexico Border [vers la justice sociale à la frontière américano-mexicaine].
Pour de plus amples informations, contacter :
Kathleen Staudt and Irasema Coronado
Department of Political Science,
University of Texas at El Paso,
El Paso, TX 79968
USA
Tel : +1 (915) 747 7975
Fax : +1 (915) 747 6616
Email : kstaudt@utep.edu et icoronado@utep.edu
Le 30 octobre 2003, à quelques jours de la Commémoration des morts, un rassemblement s’est tenu à l’université du Texas à El Paso, en souvenir des filles et des femmes assassinées de Ciudad Juarez.
L’expression Ni Una Mas ! (Not One More ! [Pas une de plus]) est utilisée comme signature des deux côtés de la frontière.
Photo des auteurs.
“Ceci est une nouvelle forme de mobilisation – en tenant des manifestations sur la place publique où les familles viennent tous les dimanches goûter leur journée de repos, nous éduquons plus de gens qu’en manifestant avec des pancartes.” (Organisatrice Luz Mendez).Grossman, L., 2003, ‘Enough is Enough ! Guatemalans protest violence against women’[Trop, c’est trop ! Les guatémaltèques protestent contre les violences faites aux femmes], Global Fund for Women Newsletter. Photo d’Olga Talamante.
Pour aller plus loin...
Bulbeck, C., 1998, ‘Individual versus Community’ in Re-Orienting Western Feminisms : Women’s Diversity in a Postcolonial World, Cambridge : Cambridge University Press
Kabeer, N. (ed), forthcoming 2004, Meanings and Expressions of Citizenship : Perspectives from the North and South, London : Zed Books
Lister, R., 1997, ‘Citizenship : Towards a Feminist Synthesis’, Feminist Review No 57 : 28−48
http://www.siyanda.org/docs/lister_citizensynthesis.pdf
Staudt, K. and Coronado, I., 2002, Fronteras No Mas : Toward Social Justice at the U.S.-Mexico Border, New York : Palgrave Macmillan
Sweetman, C. (ed.), 2003, Gender and Development, Vol 11 No 3 − Gender and Citizenship
http://www.siyanda.org/docs/sweetman_gendercitizenship.pdf
http://www.siyanda.org/docs/wheeler_citizendem.pdf
http://www.siyanda.org/docs/sinha_citizenstate.pdf
VeneKlasen, L., 2002, A New Weave of Power, People and Politics : The Action Guide for Advocacy and Citizen Participation, Oklahoma : World Neighbors
Yuval-Davis, N., 1997, ‘Women, Citizenship and Difference’, Feminist Review No 57 : 4-27
http://www.siyanda.org/docs/davis_citizendifference.pdf
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Toutes les adresses Internet sont citées telles qu’elles apparaissaient en décembre 2003.
Sites utiles :
The Centre for Legislative Development (CLD)
http://www.cld.org/
Centre for Women’s Global Leadership
http://www.cwgl.rutgers.edu/
Citoyenneté, Études, Information et Action (CEPIA)
http://www.cepia.org.br/
Siyanda – www.siyanda.org (rechercher par le terme “citizenship”)
En Bref
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Également disponible : Le Cutting Edge Pack “gender and citizenship” [genre et citoynneté]
Avec, en plus de ce numéro d’En Bref :
· Un “panorama” présentant les principaux problèmes, pratiques exemplaires et recommandations
· Une “boite à outils” comprenant des résumés de textes de base, des études de cas, des outils, des ressources en ligne et les coordonnées des organisations intervenant dans ce domaine.
En Bref est également disponible en anglais et en espagnol
BRIDGE soutient les efforts déployés dans la sphère politique et sur le terrain en faveur de la prise en compte du genre, en comblant le fossé entre théorie, politique et pratique par l’apport d’informations accessibles et variées sur toutes les questions relatives à la notion de genre. C’est un service de recherche et d’information spécialisé dans le domaine du genre et développement, basé à l’Institute of Development Studies (IDS), au Royaume-Uni. BRIDGEremercieles organisations suivantes de leur soutien financier : le Ministère du Développement International au Royaume-Uni (DFID), l’Agence Néo-zélandaise pour le Développement International (Nzaid), le Ministère Royal des Affaires Étrangères du Danemark (Danida), l’Agence suédoise de Coopération Internationale au Développement (Asdi), la Direction du Développement et de la Coopération (DDC), en Suisse, et le Centre de Recherche sur la Citoyenneté, la participation et la Transparence (Citizenship DRC).
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Remerciements aux collègues de BRIDGE Hazel Reeves et Susie Jolly pour leur assistance éditoriale, à Judy Hartley pour la correction des épreuves et Laurence Nectoux pour la traduction française.
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