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Le sujet problématique du féminisme islamique

vendredi 25 janvier 2008

Il n’y a pas d’incompatibilité entre islam et féminisme. C’est ce que soutient Asma Lamrabet, docteure et écrivaine marocaine, qui a fondé, en 2004 à Rabat, un groupe de travail sur les questions de la femme et le dialogue interculturel. Son initiative est désormais bien connue dans tout le monde arabe, mais aussi dans quelques pays occidentaux… Ce qui se voudrait la recherche d’une « voie moyenne » entre le fanatisme religieux qui se développe dans les mondes arabe et islamique et l’islamophobie croissante en Occident, est perçu de façon très contradictoire aussi bien en Europe que dans les sociétés musulmanes.
L’article ci-dessous ainsi que le site même de l’auteure permettront à chacune et chacun de se faire son idée.

Le féminisme islamique au Maroc

Il n’y a pas d’incompatibilité entre islam et féminisme. C’est ce que soutient Asma Lamrabet, docteur et écrivaine marocaine, qui a fondé, en 2004 à Rabat, un groupe de travail sur les questions de la femme et le dialogue interculturel. Son initiative est désormais bien connue dans tout le monde arabe, mais aussi dans quelques pays occidentaux.
Femme de diplomate, vivant dans une banlieue aisée de Rabat, Asma Lamrabet aurait très bien pu passer son temps à organiser des réceptions, mais les rites de la jet-set marocaine ne l’intéressent guère. Médecin diplômé, elle travaille tous les jours à l’hôpital. Sitôt rentrée à la maison, elle s’assied à son bureau pour écrire des livres sur le féminisme et l’islam, et aussi pour organiser des ateliers coraniques consacrés à la question.
On le sait, la position des femmes dans tous les pays musulmans et arabes est peu réjouissante. Il faut donc retrouver dans l’islam, dit le Dr Lamrabet, de quoi les faire mieux apprécier. Cela veut dire relire les textes et reconnaître les interprétations traditionnelles pour ce qu’elles sont : misogynes et patriarcales.

Des déclarations aussi provocantes – on les trouvera, exposées point par point, dans ses trois livres – ont valu à Asma Lamrabet un nombre grandissant de partisans : des femmes, mais aussi des hommes. Ingénieurs, inspecteurs de l’enseignement, avocats ou étudiants, ils partagent tous les mêmes préoccupations. Ils sont mécontents du discours islamique dominant qui ne cesse de gagner du terrain dans les médias panarabes.
Le gros problème, dans ce discours, est qu’il réduit toujours la femme à une fonction, soutient Asma. Une femme n’est jamais que mère, ou épouse, ou sœur, ou fille. Elle n’est jamais présentée comme une personne libre et autonome. Il se trouve, dit-elle, que le Coran dépeint les femmes en êtres humains ; or, voir en elles des êtres humains, c’est aussi leur reconnaître le droit à la liberté et à l’autonomie.

Dans le groupe de travail consacré aux questions féminines et au dialogue interculturel, les femmes et hommes concernés scrutent le potentiel égalitaire que recèle, selon eux, le Coran. Selon Asma Lamrabet, les enseignements de l’islam sont plus favorables aux femmes qu’on ne l’admet généralement. Il n’y a pas, dans l’islam, un mythe de la création présentant la femme comme un pur appendice de l’homme. L’Adam islamique, d’après Asma, n’est qu’un être humain : dans le Coran, Adam n’a pas de sexe.

De ce groupe fait également partie l’avocate Rachida Aït Himmich, qui est membre d’un parti laïc de gauche ; être laïque et musulmane n’est pas contradictoire à ses yeux. Elle dit pouvoir vivre pleinement dans ce groupe les différents aspects de son identité : être musulmane et se sentir libre, adopter les valeurs éthiques universelles et en même temps les valeurs humaine léguées par l’islam. Il faut à son avis relire le Coran dans ce sens.
Dans leurs études, Asma Lamrabet et ceux qui soutiennent sa campagne admettent les interprétations islamiques traditionnelles tout en les situant dans leurs contextes historiques particuliers. Pour elle, le Coran est bien sûr l’œuvre de Dieu, mais ses enseignements ne sont jamais vécus pratiquement que dans un contexte social et politique spécifique. De quoi faire crier au blasphème de nombreux spécialistes conservateurs de la loi islamique.
Entre le fanatisme religieux qui se développe dans les mondes arabe et islamique, et l’islamophobie croissante en Occident, Asma Lamrabet et son groupe de travail féministe et musulman sont à la recherche de quelque chose comme une « voie moyenne », une approche moderne combinant l’éthique universelle, humaniste, et les idéaux humanitaires de l’islam.

À ce jour, cette « voie moyenne » ne jouit pas encore d’un crédit majoritaire dans les sociétés arabe et musulmane. Les critiques fusent de plusieurs directions. Les musulmans conservateurs accusent Asma Lamrabet et les siens de manquer de la compétence théologique requise pour une interprétation correcte des textes.

De l’autre côté, des critiques à tendance plus laïque font valoir que son approche du Coran n’est pas historique et qu’elle ne combat pas assez énergiquement la polygamie et la violence exercée contre les femmes.
Asma Lamrabet diffuse une information sur la constitution du groupe de travail sur les questions féminines et le dialogue interculturel qui vient tout juste d’obtenir un statut officiel. Le document reste toutefois assez vague, ce qui correspond à ce qu’elle dit et écrit en général. Si ses livres sont éloquents et passionnés, ses thèses pêchent du point de vue des concepts et de la méthodologie.

Par moments, elles frôlent le style de propagande intégriste habituelle chez la militante islamique marocaine Nadia Yacine. La manière dont Asma Lamrabet traite son sujet central, l’identité culturelle, se fonde sur une notion d’identité actuellement considérée comme périmée dans les débats sociologiques qui comptent. En s’accrochant à la notion, dépourvue d’ambiguïté, d’identité islamique, elle se positionne plus près des propagandistes de l’islam politique. Et ce n’est pas le concept séduisant de « la voie moyenne » qui pourra changer cela.
Toutefois, le dynamisme avec lequel Asma Lamrabet et ses camarades font campagne pour un islam renouvelé et plus humain est remarquable. Les échos positifs qu’on enregistre auprès des jeunes musulmanes démontrent une fois encore que le féminisme islamique n’est plus à la marge. Ce phénomène nouveau sera peut-être le déclencheur d’un débat ouvert entre islam et société.

* Martina Sabra est correspondante de « Qantara.de »

Article distribué par le service de presse de Common Ground (CGNews)

Le site d’Asma Lamrabet